O’Keeffe redéfinie

(Temps de lecture : 3 minutes)

Georgia O’Keeffe est reconnue comme une figure fondamentale dans l’histoire du modernisme américain. Elle était une icône américaine déjà de son vivant. Décédée à l’âge de 98 ans, sa carrière a couvert plus de 70 ans. Sa première exposition date de 1916 dans la galerie new-yorkaise de son mari Stieglitz. La Tate Modern de Londres fêtait donc en 2016 un siècle de O’Keeffe. Cette exposition souhaitait démystifier les clichés qui persistent au sujet du travail de l’artiste. Si vous avez manqué la plus grande rétrospective à son sujet, voilà ce qu’il fallait retenir.

Les premières œuvres de O’Keeffe sont des abstractions. Elle dit à ce sujet: « J’ai des choses dans la tête qui ne sont comme aucune chose que l’on m’a enseignée – des formes et des idées qui me sont si proches – j’ai voulu recommencer à zéro, me détacher de ce que l’on m’avait appris. J’ai commencé avec du fusain et du papier, et j’ai décidé de ne pas utiliser d’autre couleur tant qu’il ne me serait plus possible de faire ce que je voulais faire en noir et blanc.” Ce sont ces dessins, qu’elle avait envoyés à une amie alors qu’elle était encore professeur d’art en Virginie, qui ont été présentés à Stieglitz qui sera le premier à les exposer. Il commentera à l’époque: « enfin une femme sur papier ».

On découvre sa passion pour la synesthésie, à savoir la stimulation d’un sens par un autre, par exemple le fait de traduire le bruit du bétail qui beugle en formes abstraites. Elle explique : « je peins parce que la couleur est un langage significatif pour moi ». Ses peintures investissent la relation entre musique, couleur et composition, et montrent sa compréhension de la synesthésie et de la chromosthésie ou « l’idée que la musique puisse être traduite en quelque chose pour la vue. »

Puis l’artiste commence à peindre ses fameuses abstractions de fleurs. La réponse des critiques amplifie l’identité de l’artiste en tant que femme en attribuant des qualités féminines à son travail. Souvent avec une connotation érotique… D’ailleurs, son mari Stieglitz est une source majeure de cette vision biaisée puisqu’il est celui qui introduisit des interprétations psycho-analytiques dans ces peintures. Frustrée par cette vision limitée, O’Keeffe commence à transformer son style pour ne plus subir ces critiques, notamment en adoptant des postures plus abstraites. « Quand les gens lisent des symboles érotiques dans mes peintures, ils font vraiment référence à leurs propres histoires. » Elle évoluera donc vers des formes de plus en plus réalistes, et en se focalisant sur des gros plans. « Personne  ne voit une fleur – vraiment – c’est tellement petit – nous n’avons pas le temps – et de voir prend du temps… Alors je me suis dit – je vais peindre ce que je vois – ce que la fleur représente pour moi, mais je vais le peindre en grand et ils seront surpris de prendre le temps de le regarder – je vais faire en sorte que même les New-Yorkais très pressés prendront le temps de voir ce que je vois dans les fleurs. »

Elle change ensuite de sujet pour prendre celui de New-York. Elle dira ironiquement : « Bien sûr, on m’a dit que c’était une idée impossible – même les hommes n’avaient pas trop bien réussis. » Elle commence à peindre les gratte-ciels de New-York en 1925 et cessera peu après le crash financier de 1929. Elle découvre alors les paysages du Nouveau-Mexique qui marque le début de ses représentations de paysages arides, de plateaux montagneux, parsemés de croix. Puis une sécheresse importante conduit à la disparition de fleurs dans les paysages. L’artiste se tourne alors vers des os et squelettes.  A une époque où les peintres et les écrivains cherchent une iconographie américaine, ses peintures d’ossements, juxtaposés aux paysages du Sud-Ouest, tombent à point nommé. Dans ses séries, elle explore les variations de la lumière et des saisons sur les différents paysages, et de ses représentations par l’abstraction. O’Keeffe se sentira proche de la culture amérindienne et représentera des kachinas, des figurines d’esprit gravées dans du bois ou modelées dans de l’argile. En peignant ces objets,  elle rend hommage à la culture amérindienne comme partie intégrante de la culture américaine.

Si vous avez manqué l’exposition de la Tate Modern, rendez-vous en Autriche à la Bank Austria jusqu’au 26 mars 2017 pour une rétrospective sur une grande dame de l’art moderne.

+Musique Rone – Parade+

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